Loin de moi l’intention de reprendre à mon compte l’idée d'une « Chronique de la haine ordinaire » du défunt Pierre Desproges, qui cependant hante souvent ma longue nuit.
Je veux plutôt m’insurger ici contre ce racisme sournois, poison qui s’insinue petit à petit dans les veines de la société Française toutes origines et âges confondus, distillé le plus souvent par ces élites qui nous gouvernent tentant de faire oublier des bilans ou des lendemains catastrophiques.
Se foutre de la gueule de l’autre permet de ne pas s’apitoyer sur son sort mais ce n’est aussi qu’utiliser le racisme ordinaire comme exutoire à son propre malheur.
Et comme chacun le sait le malheur des uns ne fait pas obligatoirement le bonheur des autres.
Bon, trèfle de tergiversations et entrons si vous le voulez bien dans le vif du sujet.
Campons l’histoire dans son décor et laissons-la reprendre le fil de son déroulement depuis son début en ce petit matin de printemps.
Comme d’autres matins de ce monde que j’ai quitté, je sors de mon cercueil avec à l’esprit le petit voyage que j’ai entrepris de faire afin de migrer de ces lieux ensoleillés qui ne me vont pas au teint vers cette France profonde plus accueillante, parait-il, que son équivalence des villes envahies par les touristes (qui se plaignent d’un racisme anti « Etrangers » dans son terme le plus large montré par les Français dans leur soit disant notion d’accueil).
Fort d’avoir toujours mon permis de conduire et ce depuis belle lurette (on ne vous le retire pas le jour de l’enterrement) j’ai préparé mon véhicule préféré : un corbillard que j’ai débarrassé de ses attributs religieux (signe de mon ouverture d’esprit face aux racismes religieux de tous horizons).
Oui bien sûr, du haut de votre esprit cartésien vous allez me rétorquer qu’il est inconcevable qu’un squelette puisse conduire un véhicule, ce en quoi vous montrez bien les premiers signe du raciste qui se cache déjà en vous.
Je charge comme seul bagage : mon cercueil, et prends la route.
Avant de quitter mon lieu de résidence je dois traverser une zone de bâtiments situés comme d’habitude au nord de la cité (signe d’un racisme culturel généralisé). Mon intrusion ne passe pas inaperçue des yeux des « Chouffes », comme disent les djeunn’s (terme à consonance raciste anti jeunes utilisé par les adultes « branchés »), habitués à veiller sur le petit commerce local. Mais autant la vue d’une voiture pie ou de pompiers les fait mal réagir (la lumière et la couleur rouge je présume) autant la vue d’un corbillard ne les émeut pas plus que cela, la mort ils connaissent. La casquette, la veste au col relevé et les lunettes noires que je porte me font presque ressembler à l’image autorisée de la faune éclectique autant que colorée qui hante ces lieux (ce qui n’est nullement du racisme racial de ma part mais un fait, et même si c’est un certain racisme social qui a rassemblé en un même lieu l’image d’une misère que les nantis ne veulent pas voir). Nul ne cherche donc à gêner mon passage. Seuls quelques quolibets sur la blancheur de mon teint peu en accord avec les couleurs locales fusent par endroits. (Car oui le racisme anti blancs existe aussi)
Poursuivant ma route j’arrive à un croisement occupé par la maréchaussée occupée à vérifier s’ils peuvent cravater ceux qui ne portent pas la ceinture ce qui est mon cas. Il m’est demandé de bien vouloir me garer et se présente alors à ma porte un jeune représentant de l’ordre fort de son autorité accompagné de son ainé qui veille à son éducation.
« Vos papiers ! » m’intime le premier qui n’a pas encore appris le langage plus fleuri du type « Veuillez me présenter les documents afférents à la conduite du véhicule » qui nous fait tant rire (signe d’un racisme anti flics assez répandu). J’obtempère d’autant plus facilement que mon véhicule n’a jamais été équipé de ce genre de gadgets vu son âge (et je dois avouer que le fait qu’il n’en a pas ne me fait pas courir un risque supplémentaire vu mon état). Le gars regarde ma photo (d’un temps où j’étais heureusement pas mal maigre (racisme anti gros)) et me jette un coup d’œil rapide montrant à quel point la vue de quelqu’un de « différent » est gênante pour ceux qui se considère comme « Normaux » (signe d’un racisme au faciès).
N’aillant rien à reprocher à mon véhicule (bien que sa couleur noire réveille en lui un sentiment indéfini) et aucune consigne visant à arrêter ceux ayant une tête ne lui revenant pas (consigne courante s’il en est) il me tend mes papiers, que je saisie de mes mains gantées, et me dit de circuler, ce que je fais sans attendre.
Arrivant enfin à destination face à la petite maison que j’ai louée et qui se trouve en bordure de forêt juste à côté d’une grande masure qui a dû connaitre des temps meilleurs, j’ai le plaisir de voir la propriétaire des lieux, une petite vieille à priori charmante (début de racisme générationnel), me faire signe de me garer. « Je vous attendais afin de vous donner les clés et vous faire visiter » me chuchote-t-elle cherchant à me distinguer derrière ses grosses lunettes avec ses yeux fatigués (mais là je fais signe d’un racisme anti vieux mal venu de ma part). Faisant le tour du propriétaire elle me dit combien elle est contente d’avoir de la compagnie et qu’à son âge c’est un vrai plaisir de pouvoir encore parler avec des gens en attendant la mort qu’elle sait proche et où elle ne pourra plus s’exprimer (ce qui est un signe de racisme anti mort dénigrant notre droit à une vie qui n’en est plus une mais qui est un fait).
Voilà donc comment un simple voyage m’a permis de côtoyer des racismes différents mais au combien présents.
Je sais, vous vous dites tous « Moi raciste ? Pensez-vous ! » Et pourtant revenez sur les pensées fugaces qui ont traversées votre esprit durant la lecture de cette histoire et ayez la franchise de reconnaitre qu’à certains moments vous avez retrouvé des réactions que vous avez déjà eu…
Le racisme est comme un verbe que l’on conjugue au présent, passé, futur voir conditionnel. Il a bien des formes et le fait même de ressembler à un verbe implique de parler de groupes (ce qui est un racisme linguistique).